Louis-Jules Mancini-Mazarini (1716 - 1798)Toutes les fables

On le trouve souvent nommé Mancini-Nivernois, en qu'en auteur. A ce dernier duc de Nevers, on doit des pièces de théâtre et des poèmes. Ses fables ont été recueillies et éditées après sa mort. On en compte six livres d'une vingtaine de fables chacun.

L'Aigle et le Pélican

L'Avare et son Ami

L'Émerillon et l'Araignée

La Génisse sacrifiée

Le Chien mal secouru

Le Coq déplumé

Le jeune Chien

Le Paysan de Babylone

Le Père et ses deux Fils

Le Poirier et l'Épine

Le Rat et l'Idole

Le Renard Ambassadeur

Le Siagos. Le Mage

Le Trésor et les Souhaits

Le Vautour et la Tortue

Le vieux Renard

Les Ananas

Les Fruits du Marché

Les Oiseaux de passage


Le livre Premier commence par ce Cassandre-Prologue, où l'auteur s'adresse au lecteur, comme tant d'autres fabulistes avant lui pour avertir que, même s'il donne l'air d'arriver après la bataille, il a bien des choses à apporter à la littérature. Chacun se fera son avis.

Nouveau glaneur aux champs d’Ésope,
Je viens montrer la vérité
Sous une légère enveloppe,
Qui, sans altérer sa beauté,
Tempère sa sévérité.
Cette méthode salutaire
Est encore aussi nécessaire
Qu’aux jours d’Omettre ou de Lockman;
Le monde est vieux, l’homme est enfant.
Il est enfant : un rien le frappe.
Un rien va le distraire aussi
Il faut l’instruire en raccourci,
Ou son attention échappe.
Donnez-lui du plaisir surtout
Il n’accueille qu’avec dégoût
Une morale sèche et nue;
Que la raison s’offre à sa vue
Sous les plus riantes couleurs;
Avec le fruit il veut des fleurs.
C’est une vérité connue
Dans tous les lieux, dans tous les temps;
Et, parmi cent faits éclatants
Qui la rendent incontestable,
Je m’en rappelle un mémorable
Qui vient ici fort à propos
Je vais le conter en deux mots.
Hector eut une sœur fort savante et fort belle.
Le dieu des vers l’aima. La trouva-t-il cruelle?
Peut-être bien; et cependant un dieu
– En amour a, dit-on, beau jeu!
Quoi qu’il en soit, une grosse querelle
Survint entre eux et fit naitre l’aigreur.
La belle avait, au temps de sa faveur,
Reçu du dieu le don de prophétie,
Accompagné du talent enchanteur
De plaire, de parler au cœur.
Or, dans cette péripétie
Qui sépara nos amants tout-à-fait,
Apollon retira la moitié du bienfait;
Et méchamment il reprit la meilleure:
Le don de plaire et d’attacher.
Car, dites-moi, que sert-il de prêcher
Sans émouvoir? Rien n’en demeure.
Notre princesse l’éprouva ;
La malheureuse ne trouva
Personne qui voulût la croire.
Et voulez-vous savoir pourquoi?
Elle était bien digne de foi,
Mais elle ennuyait l’auditoire.
Je dis ceci songeant à moi.
Ce ne sont pas contes pour rire
Que j’offre ici; je veux instruire :
Non sur un ton grave et pesant;
Je Veux instruire en amusant.
Y parviendrai-je ? ou dois-je attendre
Le sort de la pauvre Cassandre ?
C’est au lecteur à me l’apprendre.