La Tulipe et la Rose Albéric Deville (1773 - 1832)

« Fleurs, qui naissez d'un bulbe entouré de cayeux,
Contemplez en moi votre Reine ;
Et que tous les sujets d'une autre souveraine
S'empressent d'admirer mon éclat radieux ! »
Ainsi parlait la Tulipe orgueilleuse,
Près de la fleur dont la tige épineuse
Blesse la main en séduisant les yeux.
La Rose lui répond : « Symbole d'inconstance,
Il te sied bien de m'outrager,
Toi qui ne vis que pour changer
Et d'amis et d'amants, dont la folle dépense
Ne leur obtient qu'un plaisir passager ;
Sans force ni vertu, sans odeur ni feuillage,
Sur ton grêle support tu n'offres qu'une fleur ;
Et souvent on détruit ta sœur
Pour donner plus de prix à ton mince bagage.
Malgré ta bigarrure et ton grave maintien
Tu n'as jamais orné le sein d'une bergère ;
Je tiens mon rang de l'art de plaire,
Au caprice tu dois le tien.

N'envions point les dons que le Temps peut détruire.
Pour régner sur les cœurs c'est peu de la beauté ;
Elle ne sert qu'à les séduire ;
Il faut, pour les fixer, de l'amabilité.





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