La Plume d'un Bel-esprit Barthélemy Imbert (1747 - 1790)

Un livre parut, et la France Le crut bon.
L’étoit-il? je ne l’affirme pas}
Assez souvent, en pareil cas,
De la gloire au succès l’intervalle est immense.
Sur le bureau, placée un beau matin,
La plume de l’auteur, (à peine on va m’en croire)
Croyait avoir sa place au temple de mémoire;
Elle en parlait au fauteuil son voisin,
Et de ses longs travaux lui racontait l’histoire.
« Mon cher, il faut le confesser ;
Ah ! qu’on a de peine à percer,
Disait-elle ! le jour et la nuit sans relâche,
Sur le papier j’ai labouré ;
Vingt fois écrit, et vingt fois raturé…
Grâce au ciel, j’ai rempli ma tâche.
Mais quand la gloire, ami, suit nos travaux,
Nous l’avons bien payée. » Il survient à ces mots
Un étranger; soudain la belle
Croit recueillir un compliment flatteur;
Mais on ne parle qu’à l’auteur,
Puis on s’en va. « L’impertinent, dit-elle !
Mon maître a l’encens, et moi rien !
Autre visite, encor même entretien,
O siècle ingrat, ajouta l’étourdie !
Un autre a les honneurs qui n’étaient dus qu’à moi !
Pauvres talents, comme on vous humilie ! »
Bavarde éternelle, tais-toi,
Dit gravement le fauteuil qu’elle ennuie:
Tu ne fais qu’obéir toujours aveuglément;
A la stupidité ne joins pas l’insolence.
Vit-on jamais peser dans la même balance
Et l’ouvrier et l’instrument ? »

A ce propos j’ai souvenance
Du bon propos
Du plus ingénu des bedeaux;
En deux mots, je vais vous le rendre.
Tout un auditoire étonné
Vantait un beau sermon que l’on venait d’entendre :
« Messieurs, dit le bedeau, c’est moi qui l’ai sonné. »





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