Les deux volcans Camille Viala (19è siècle)

Dans une amitié sans seconde,
Deux ours vivaient heureux d’être oubliés du monde ;
Causer des temps passés était leur seul plaisir,
Bien n’est plus doux parfois que de se souvenir !
Pouvaient-ils faire mieux dans leur simple ermitage ?
Cependant d’un ancien volcan
Ils habitaient le voisinage.
Un jour, effroyable océan,
Le volcan gronde et roule au loin sa lave ardente ;
Hommes et bêtes, tous fuyaient dans l’épouvante,
Devant ces tourbillons de feux
Allant en rugissant ensanglanter les cieux,
Et puis sur la terre alarmée
Retombant en vague enflammée.
— Pourtant, dit l’un des ours, jadis on m’a conté
Que parmi les humains, bien autrement terrible,
Se soulève parfois un volcan redouté.
A moi-même le fait paraît inadmissible,
Qui dit humain dit généreux,
Comment serait-il donc possible
Que ce mot quelquefois fût un mensonge affreux ?
Mais pour l’homme, dit-on, il n’est rien d’impossible.
Comme il parlait, un homme arrivait à nos ours,
De suite on l’interroge ; il répond sans détours :
— Quelle question m’est soumise !
Hélas ! c’est r’ouvrir mes douleurs…
Vous serez frappés de surprise
Devant d’odieuses fureurs ;
Ce spectacle imposant me fascine et m’attire,
C’est une belle horreur, qui séduit, qu’on admire,
Mais cet autre volcan plus terrible cent fois…
Devant ses mille excès tous les humains frissonnent
Ecoutez leur dit-il, en abaissant la voix :
Il dit : — et plus il parle, plus nos ours s’étonnent,
Enfin l’un d’eux épouvanté
S’écria tout à coup ; — cela n’est pas croyable,
Non ! non ! c’est trop épouvantable,
— Vous avez fort raison, mais c’est la vérité,
— Alors dirent les ours, « combien heureux nous sommes
De n’être point parmi les hommes ! »

Livre II




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