Ecoutez, mes enfants, ceci n'est pas un conte
Je dois l'avouer à ma honte :
J'étais tout jeune encor, un matin, descendu,
Rien que déjà cent fois on me l'eût défendu,
Faire un tour jusqu'à la cuisine ;
J'étais un peu gourmand : c'est un vilain défaut ;
En furetant partout, je vis, sur un réchaud,
Un plat ayant fort bonne mine;
Je crois le voir encor : c'était du riz au lait,
Couvert d'une crème odorante ;
Vraiment ! il me sembla parfait !
A son odeur appétissante,
Hélas ! je ne sus résister,
Et résolus de le goûter.
N'entendant aucun bruit que le chat qui ronronne,
Près de moi ne voyant personne,
Et sûr que nul ne me verra
Et mon fait ne dénoncera,
Je prends une grande cuillère,
Et j'entame le riz de ma vieille grand'mère.
11 est vraiment fort bon, bien sucré, cuit à point,
Mais du vol que j'ai fait il reste à la surface
Une large et profonde trace ;
Pour qu'on ne la remarque point,
Il faut en manger davantage ;
Je me hâte et finis presque tout le potage.
Holà! voici dans l'escalier
Un bruit qui m'est très-familier :
C'est le pas alourdi de ma vieille grand'mère,
Qui vient chercher son repas du malin :
Pour ses petits-enfants elle n'est point sévère,
je le sais ; et pourtant je voudrais être loin.
Ne pouvant m'échapper, j'ai, d'un geste rapide,
Recouvert en tremblant la casserole vide :
Elle approche ! ah! je suis perdu!
Jusqu'au fourneau la voilà qui s'avance,
El, sans la moindre défiance,
(Elle ne m'a pas encor vu! )
Pour son premier repas joyeusement s'apprête.
Jugez de quel air stupéfait
Elle voit disparu tout le potage au lait !
— Oh ! dit-elle, et qui donc fut assez malhonnête!
Manger mon déjeuner ! c'est toi, petit gourmand?
Fit-elle en m'apercevant.
— Non, grand'maman, je vous le jure,
Ce n'est point moi, je l'ai vu : c'est le chat!
— Menteur ! il aurait donc su recouvrir le plat?
Je fus puni, je vous assure,
Et non sans l'avoir mérité.

J'appris ainsi que, de quelque manière,
On prend toujours le menteur effronté,
El qu'on ne doit jamais rien cacher à sa mère.





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