Comment l’Aronde requist aux Oiseaux qu'ils mangassent chanvre Ysopet II (Moyen Âge)

Une Aronde esgardoit
Un vilain qui semoit
Son chanvre en son courtil :
Elle a dit aus oisiaus :
Or chascuns soit isniaus
D’oster soy de péril.

La semence cueillon
Et nous en saoulon
Qu’a semé ce vilain :
Nous nous repentirons
Se croistre le lesson,
Ce vous di pour certain.

Les vilains en feront
Les rets, si nous prendront
Et mettront à tourment.
Les oisiaus l’escharnircnt
De ce que ils oïrrent,
Et n’en firent noient.

Quant la chanvre leva
L’aronde retourna
Les oisiaux, si leur ci’ie :
Alons tout esrachier
Ce chanvre et débrisier :
Le vilain n’i est mie,
Au matin y allons ;
Ne doubtons et boutons
Rien que face ne die.

Par foy, font les oisiaus,
Nous sommes si isniaus
Que bien eschaperons l
Les rais de ces vilains
Aus soirs et ans matins,
Ne doubtons un bouton.

L’aronde si fu sage
Et ne fu pas sauvage;
Mais la gent doubta moult
Qui prennent les oisiaus
Tant seichent estre isniaus
A leurs rets que ils fout.

Aus maisons à la gent
Qu’elle doute forment
S’est alé anichier :
Et sa mort et sa vie
A mise en leur baillie;
Si l’en tienent plus chier.

Or sont moult repcntans
Les oisiaus et dolans
Qu’il ne crurent l’aronde :
Car il sont atrapés,
Pris et acouvetés
Ans rez par tout le monde.

Mie je ne m’en merveil :
Dont qui ne croit conseil,
Si s’en repent souvent :
Quant l’en li dit raison,
Il est fol et bricon,
S’il scet et ne l’entent.

L’en se doit conseillier
Quant vient au commencier,
C’est manière de sage :
Car qui trop attendroit
A paine escheveroit
En la fin le domage.

Tiré du le livre Fables inédites des XIIè, XIIIè, XIVè siècles et Fables de la Fontaine, par A.C. M. Robert, 1825, p.44


Titre complet : Comment l’Aronde requist aux Oiseaux qu'ils mangassent chanvre que un vilain semoit

Notes

Courtil : jardin potager
Isniaus, pluriel de isnel : actifs, prompts
L'eschanirent : la raillèrent
Anichier : établir son nid
Bricon : coquin , de l’italien briccone


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