Le Bon-Sens et le Bel-Esprit Aimé-Ambroise-Joseph Feutry (1720 - 1789)

Puisque pour un instant le hasard nous rassemble,
Esprit fort et subtil , voyons, causons ensemble.-
Je ne peux disposer d'un moment aujourd'hui ,
Et fuis même attendu chez la Marquise d'Amble,
Où nous devons d'abord disserter sur l'ennui
Que le Bon Sens apporte avec soi dans le monde.
Bravo. J'y veux prouver que cet Être divin,
L'Être éternel, de tout le principe et la fin,
(Sur qui le fol espoir du vil Peuple se fonde)
N'est rien autre que l'air, le feu, la terre, l'onde,
Le ciel, le temps , l'espace , ou la Nature enfin ; —
Bravissimo.... C'est là ta doctrine profonde ?
Ah! qu'en absurdités le Bel-Esprit abonde !
Il confond l'univers avec son Créateur :
Remonte au premier Homme et nomme son Auteur ? -
La Nature. Faut-il qu'ainsi tout se confonde !
L'imagination errante et vagabonde.
Prend l'effet pour la cause et l'œuvre pour la main ;
Serviteur à tromper le pauvre genre-humain,
Pour moi je n'entrevois qu'un funeste avantage,
Et j'aime cent fois mieux , comme l'a dit un Sage ,
Le simple Sens-Commun qu'un Esprit aussi fin,
Lorsque l'on voit en faire un si mauvais usage.

Fable 11




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