Un singe de ce temps, un nouveau Fagotin,
S'illustrait par ses tours, grimaces et gambades.
Un jour, au lieu de ses parades,
Le long des boulevards, il allait, canne en main,
Dans une grotesque toilette.
Il portait habit rouge, avec tricorne en tête,
Gilet jaune et pantalon gris ;
Il eût fait courir tout Paris,
Si l'on eût annoncé le coup qu'il allait faire :
C'était un tour de son métier !
A la montre d'un miroitier,
Dans une belle glace, et qui touchait à terre,
Où dames en passant aimaient fort à se voir.
Notre magot se vit : mais lui, sans la savoir :
« Oh ! la ridicule figure,
Fit-il, quelle caricature ! »
Tu dis vrai, reprit le marchand,
Mais cette figure est la tienne ;
Tu l'offres à ma glace et ma glace la rend :
Pars, elle part ; reviens, il faut qu'elle revienne. »
Fagotin donc allait, venait
Et regardait, fort inquiet,
Le miroir devant et derrière,
En haut, en bas,
Grimaçant de toute manière ;
Il faisait des sauts et des pas
Et touchait de sa patte et son corps et sa face :
Tout se répétait dans la glace.
C'est lui !... le voilà convaincu !...
Et mon singe, aussitôt, transporté de colère,
Brise le trop fidèle verre,
Croyant que sa laideur n'aurait point reparu.
Mais cent morceaux sont faits, et dans les cent cassures
Il revoit de lui cent portraits,
Par la colère encor rendus plus laids ;
Brisez donc vos miroirs pour venger vos figures !!!
S'irriter contre les censures
Que l'on applique à nos défauts
C'est grandir et tripler nos maux.