J'aime le lys et sa coupe royale ;
Son port est fier, son aspect gracieux ;
Sa blancheur plaît à l'âme virginale ;
La foi l'adopte ; il fleurit dans les cieux.
J'aime l'œillet à la tige élancée,
L'impériale au beau front plein d'orgueil,
Le blanc jasmin, la soyeuse pensée,
Et la pervenche et l'ancolie en deuil.
J'aime la rose, et mon regard admire
Le vif éclat de sa riche couleur :
Son doux arôme exhalé sur ma lyre,
Porte l'amour et l'ivresse en mon cœur.
Mais je préfère à la rose si belle,
Cette humble fleur que trahit son parfum,
Qui, sous la mousse ou la feuille nouvelle,
A l'air de fuir mon hommage importun.

Ce que j'aime, avant tout, dans l'empire de Flore,
C'est ta grâce ineffable, ô bleu Myosothis ;
C'est ton frais calice où l'aurore
Ne peut faire trembler qu'un seul de ses rubis.
Dieu se montre et sourit dans la toufse charmante
Où semblent rayonner tes étailes d'azur ;
Sa main délicate et puissante
Brille dans ce tissu si moelleux et si pur !

Le peuple, qui s'éprend de ta fleur si jolie,
Aime à te saluer par les noms les plus doux ;
Dans sa naïve poésie,
Il te compare aux yeux de la Vierge-Marie,
Il te nomme Souvenez-vous !

Le jeune homme, à seize ans, qui rêve avec ivresse
Au bonheur qu'il espère aux pieds de la beauté,
Croit retrouver l'oeil bleu de sa jeune maîtresse
Dans ta frêle corolle à l'éclat velouté.
Heureux, épanoui, dans ce moment suprême
Où l'amour déborde du cœur,
Il te cherche, il te nomme, ô séduisante fleur :
Plus je vous vois, plus je vous aime !

Erreur ! car tu n'es pas l'emblème des amours,
Riant émail de la prairie !
Des nœuds qu'ils ont formés, du serment qui les lie,
Quels amants si parfaits se souviennent toujours ?
Un rien fait fuir l'oiseau volage,
Le plaisir passe vite et l'amour est trompeur ;
Hôte inconstant, il court de bocage en bocage,
Il égare de fleur en fleur
Ses frivoles serments et sa mobile ardeur.
Semblable au papillon, il voltige, il se pose
Aujourd'hui sur le lys et demain sur la rose,
Disant à toute fleur dans son premier transport :
Plus je vous vois, plus je vous aime !

Mais quand l'automne enlève et sème
La feuille qui jaunit et tombe aux vents du Nord,
L'amour, comme l'oiseau, fuit vers un autre bord.

N'es-tu pas plutôt, fleur charmante,
Le symbole de l'amitié,
Belle et chaste union qui donne à l'àme aimante,
Dans l'âme qu'on chérit sa plus douce moitié ?
Avoir un vieil ami, c'est là le bien suprême !
Un vieil ami ressemble au parfum d'un vin vieux ;
C'est à lui qu'on répète, avec un air joyeux :
Plus je vous vois, plus je vous aime !
La fidèle amitié croît dans l'adversité ;
Elle dit souviens-toi, si quelque noir orage
Courbe un jour ton front attristé,
Que mon front plie aussi sous le vent irrité ;
Si l'exil te retient sur un lointain rivage,
Tout mon cœur vole aux bords où l'exil t'a jeté.
Plus fort que la mort elle-même,
`L'ami retrouve au ciel son ami qui n'est plus ;
C'est là qu'ils se diront, heureux par leurs vertus :
Plus je vous vois, plus je vous aime !





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