Ce matin, dans mon buffet,
J'entendis un bruit étrange,
Semblable à celui que fait
De la vaisselle qu'on range ;
Curieux de savoir la cause de ce fait,
Je m'approchai, prêtant l'oreille.
Ma gouvernante avait par mégarde, la veille,
Côte à cote sur un rayon.
Placé deux tasses du Japon,
Egales en hauteur et de forme pareille,
Mais dont l'une était simple, et autre avait son bord
Orné d'un large cercle d'or.
De son splendide éclat celle-ci toute fière,
Sur sa soucoupe, en se carrant,
A l'autre ainsi parlait: « Vous pourriez bien, ma chère ;
Vous tenir a distance et garder votre rang :
Descendez vers vos sœurs qui sont sur autre planche.
— Mes sœurs ?..., L'une elles, c'est toi,
Lui répondit la tasse blanche:
Faites au même tour, nous avons même emploi;
Sur un bord sans éclat si mon anse s'attache,
C’est que ma forme est pure et mon émail sans tache.
Tu sortis da fourneau moins parfaite que moi :
L'artiste qui Va réparée.
A pu dissimuler, sous l'or de ses pinceaux, :
Ton contour moins heureux, ta blancheur altérée ;
Mais il ne t’a si bien dorée.
Qu’afin de cacher tes défauts. »

Ainsi s’enorgueillit de sa riche parure
La femme sans attraits , sans talents ; sans tournure;
Mais celle qui possède esprit, grâce, beauté ,
Puise un charme de plus dans sa simplicité.

Livre I, Fable 5, 1856




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