Une jeune colombe, aussi chaste que belle,
Voyait nombre d'adorateurs
Roucouler sans cesse auprès d'elle,
Et tenter d'obtenir ses plus chères faveurs.
Depuis quelque temps en balance
Sur qui son choix se fixerait,
Elle accorda la préférence
A certain ramier, qui semblait
L'aimer de l'amour le plus tendre.
Déjà le couple heureux commençait à suspendre
Aux branches d'un ormeau le nid
Où de leur union devait naître le fruit,
Quand une vieille et laide pie
Insinua dans le bosquet
Qu'avant d'être au ramier notre colombe avait,
Avec plusieurs pigeons, mené joyeuse vie.
Cet infâme propos, méchamment inventé,
Est le jour même rapporté
Au ramier qui, tout en furie,
A sa compagne fait l'affront le plus sanglant
Et l'abandonne sur-le-champ.
Mais il apprend bientôt sa complète innocence
Et vient lui demander pardon de son offense.
La colombe lui dit : — Si vous aviez pour moi
Senti dans votre cœur un amour véritable,
Vous n'eussiez point ajouté foi
A ce propos abominable.
Allez donc autre part débiter vos serments,
Jurer fidélité, constance,
Et ne m'ennuyez plus de vos roucoulements.
Aussitôt d'un prompt vol dans l'air elle s'élance,
Le quitte tout confus, le désespoir au cœur.
En matière d'amour une ample confiance
En prouve la sincère ardeur.