Un jour le petit Paul était avec sa mère
Qui, prévoyante ménagère,
En visitant ses fruits prudemment enlevait
Tous ceux dont le contact pouvait
Etre pour leurs voisins un fatal voisinage.
— Bonne mère, tu m'as promis,
Lui dit l'enfant, que si j'étais bien sage,
Je prendrais à mon choix un de tes plus beaux fruits ;
J'ai bien lu, je n'ai pas fait le moindre tapage.
— C'est vrai, lui répondit la mère en l'embrassant,
Chose promise, chose due,
Et puisque tu le veux, choisis, mais de la vue,
Les toucher les ferait gâter très promptement.
De l'œil le petit Paul à sou aise examine
Les rayons du fruitier abondamment garnis,
Et quelque temps reste indécis.
Tout-à-coup une poire à la peau jaune et fine,
D'un succulent aspect, aux contours gracieux,
Frappe et charme à la fois ses yeux.
— Mère, voilà, dit-il, le fruit que je désire.
— Prends-le, mon cher ami. De sa pochette il tire
Son couteau, coupe et met sa poire en deux morceaux.
Il reste tout d'abord la figure ébahie,
Puis, se met à pleurer, pousse de longs sanglots :
Sa belle poire était pourrie.
La mère, en lui donnant un de ses meilleurs fruits,
Aisément le console, et lui dit : — Mon cher fils,
Il appelle-toi qu'en toute circonstance
On ne doit point juger sur l'apparence,
Et que, comme ta poire aux trompeuses couleurs,
L'hypocrite a souvent des dehors séducteurs.