Aux travaux d'une métairie,
Un vigilant maître employait
Un âne, un mulet qu'il logeait
Dans une très belle écurie.
Matin et soir il leur donnait
Avoine, excellent foin, soignait bien leur litière,
Prévoyait leurs moindres besoins,
Eu un mot les comblait de soins.
Le mulet cependant de ce bon ordinaire,
Par un triste travers un jour fut dégoûté.
— Ne trouves-tu pas, camarade,
Dit-il au bourriquet, que ce foin est gâté,
Que cette avaine est maigre et fade ?
Si tu m'en crois, il faut au patron demander
Une meilleure nourriture,
Et, s'il nous la refuse,-il faut ne plus l'aider
Dans ses travaux d'agriculture.
Es-tu de cet avis ? Mon sot aliboron,
Non moins ingrat que son confrère,
Pour témoigner sa joie et sou adhésion,
Tout de suite se mit à braire.
Vous, pasteurs de troupeaux, vous rois, pasteurs d'humains
Vous tous, chefs qui tenez le pouvair en vos mains,
Ne comptez pas toujours sur la reconnaissance ;
Des ingrats toutefois que la maudite engeance
De suivre votre cœur ne vous détourne en rien.
Le vrai bonheur auquel tout honnête homme aspire,
N'est-il pas de pouvair' se dire :
J'ai fait le bien.