La sottise dorée méprise les talents nus : laissez-la faire ; tôt ou tard le mérite sort de l'oubli.
Un petit chien.qui savait mille tours amusants, le chien le plus gentil du monde, était renfermé par son maître dans une campagne, où. l'on ne venait pas même souvent lui apporter de la nourriture et le pauvret était d'une maigreur à faire pitié. Dans le même endroit, un âne 'dés plus lourds et des plus stupides avait en abondance, non les chardons, dont ses pareils doivent être contents, mais le meilleur foin que l'on puisse donner aux chevaux. Il mangeait au tas, et était gras, luisant et plein de joie. Le chien ne sachant que faire dans ce lieu, pour dissiper son ennui et oublier sa faim, allait de temps en temps jaser avec ce dernier, qui, fier de sa position heureuse, lé traitait avec beaucoup de hauteur et de dédain, se croyant plus de mérite, parce qu'il avait plus de pâture. — « Tu parles de tes talents, lui disait-il, tu n'en meurs pas moins de faim. Je suis tenté de croire que tu n'en sais pas tant que moi. Oh ! oui, bien certainement, j'ai su me trouver une ample nourriture ; et toi.... ne m'en fais pas dire davantage. » —Le chien ne répondait rien : la pauvreté rend timide. Mais une circonstance le vengea de là sotte vanité de l'âne. Les gens de la maison vinrent avec tous leurs amis passer une journée de fête à la campagne ; le chien fut reçu de tout le monde avec de grandes marques d'amitié et de plaisir. Il amusa, - il charma ; et l'âne, étonné qu'on n'allât pas le fêter au milieu de son abondance de foin, fut dédaigné de chacun ; ayant même essayé de déployer sa voix, pour plaire à l'assemblée, il fut accueilli par un éclat de rire. Enfin le chien plut si fort, qu'on le conduisit à la ville, où il fut toujours bien traité, bien caressé; tandis que l'âne fut abandonné à la campagne au milieu de sa pâture, qui ne dura pas même toujours.