Bien étourdi, comme c’est l’ordinaire,
Un jeune Enfant du verger de son père
Interrogeait le Jardinier.
Don Pierre, que t’a fait ce malheureux pommier
Pour le maltraiter de la sorte?
Je le greffe, monsieur, afin qu’il vous rapporte
Des fruits plus savoureux, plus doux:
Ainsi l’a voulu la nature.
Les arbres sont tout comme nous :
Sans les soins et sans la culture,.
On ne peut rien exiger d’eux ;
Redresser les plus tortueux,
Les tailler, les greffer ( que monsieur me pardonne
L’avis qu’en passant je lui donne ),
Des arbres d’un verger c’est l’éducation.
La plaisante érudition !
A t’entendre, la providence,
Qui voulut nous donner des Fruits pour nous nourrir,
Aurait besoin de toi pour les faire mûrir :
C’est douter de sa prévoyance,
Et tu parles bien, là, comme tous les pédants.
Crois-moi, votre ennuyeuse engeance
Fatigue enfin de sa science,
Toi les pommiers, eux les enfants.
Bravo, mon beau monsieur! Quel morceau d’éloquence !
C’est parler comme un Cicéron !
Goûtez, pour votre récompense,
Quelques fruits de ce Sauvageon
Dont votre jeune ardeur prend si bien la défense.
A sa bouche Alfred enchanté
Avec empressement porte le fruit sauvage
Dont l’amertume et l’âcreté
Donnent à ce jeune éventé
Une leçon de jardinage.
De récolter quand viendra la saison,
Alfred s’en souviendra. Les défauts de l’enfance,
L’entêtement, l’orgueil et l’ignorance
Sont les fruits de mon sauvageon.