À l’âge où tout est jouissance,
A cet âge où l'on est heureux
Sans le secours de l'espérance,
Où tous les plaisirs sont des jeux ;
Où l’on ne connaît pas encore
Les brûlants orages du cœur,
A l’âge où même l'on ignore
Le pressentiment du malheur ;
Un jeune enfant, souriant à la vie,
Aux jeux qui l’occupaient bornait son univers.
De bulles de savon quand il peuplait les airs,
Aux rois, qu’on dit heureux, il aurait fait envie.
Armé d’un frêle chalumeau,
Voyez notre orgueilleux tout fier de sa puissance.
En soufflant dans un verre d’eau,
Il croit que, Jéhovah nouveau,
À des mondes sans nombre il a donné naissance.
Séduit par ces globes trompeurs
Qu’Iris a nuancés de ses mille couleurs,
Il bondit de plaisir, frémit d’impatience ;
Le bonheur sur son front déjà s’épanouit ;
Mais au moindre toucher, lorsque sa main s’avance,
La bulle en l’air s’évanouit.
Ce jeu de la vie est l’image :
Rêves de gloire, ambition,
Bonheur, tout n’est qu’illusion ;
Et, du plus fou jusqu’au plus sage,
L’homme nous rappelle à tout âge
L’enfant aux bulles de savon.