L'Enfant et le Fabuliste Joseph Reyre (1735 - 1812)

Un enfant sur ses pas trouvant le Fabuliste,
Lui dit : Ah! je te vois avec bien du plaisir :
Quoique tu sois un moraliste,
Tu sais pourtant nous divertir,
Et tu n'as rien qui nous attriste.
Tu nous dis, il est vrai, de bonnes vérités;
Mais tu le fais toujours sur un ton agréable
Dont nous sommes tous enchantés.
Tu nous amuses par la fable,
Et puis tu nous instruis par les moralités :
Aussi chacun de nous te trouve bien aimable
Que tu me fais plaisir en me parlant ainsi !
Lui dit le Fabuliste alors tout réjoui.
Pour les enfants plein de tendresse,
Je voulais, sans jamais leur causer de l'ennui,
Leur inspirer à tous l'amour, de la sagesse.
Tu me dis que j'ai réussi;
Mon cœur de joie en est ravi :
Car aux plus glorieux suffrages
Je préfère celui de ces enfants chéris ;
Et si je peux leur plaire et les rendre plus sages,
Tous mes vœux seront accomplis.

Livre I, fable 1


Note de l'auteur :

« Je ne répète ici que ce que plusieurs enfants m'ont dit du Fabuliste. Je ne fais non plus que rapporter le jugement qu'en ont porté les Journalistes, qui ont tous cru devoir l'annoncer avec éloge : il n'y en a qu'un qui l'ait censuré; mais en critiquant le style, que tous les autres ont trouvé correct, facile, coulant, simple et naturel, comme doit l'être celui de tout livre fait pour l'instruction du premier âge , il a été forcé d'avouer que les principes en sont excellents ; qu'il renferme les instructions les plus solides, les leçons les plus utiles, la morale la plus pure et la plus convenable à ceux pour qui elle est faite. Cet éloge m'a beaucoup plus flatté que les critiques ne m'ont offensé; parce qu'en écrivant pour les jeunes gens, ce n'est point leur goût, mais leur cœur, que j'ai voulu former ; et que j'ai bien plus cherché à en faire des hommes vertueux que de bons littérateurs. Cependant, pour faire voir au censeur que j'ai profité de ses critiques, j'ai retouché le style de quelques fables, et j'en ai remplacé plusieurs par d'autres que des connaisseurs éclairés ont trouvées moins médiocres. Par ce moyen cette nouvelle édition sera moins défectueuse que les précédentes : le public, qui paraît avoir approuvé cet ouvragé, continuera à l'honorer de son approbation ; et la jeunesse, qui semble l'aimer, l'aimera toujours davantage. »


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