La Mère et l'Enfant malade Joseph Reyre (1735 - 1812)

Fanfan était malade, il fallait le guérir :
Mais c'était par malheur un petit volontaire,
Qui n'avait coutume de faire
Que ce qui lui faisait plaisir ;
Et le remède salutaire,
Que pour chasser la fièvre on lui devait offrir,
M'était guère fait pour lui plaire :
C'était une amère boisson ;
Et lé drôle eût bien mieux aimé quelque bonbon'.
Aussi, dès qu'il la vit paraitre,
Prévoyant bien ce qu'elle pouvait être,
Il se mit à pleurer, puis il la rebuta.,
Et de dépit enfin jeta
Le vase et la liqueur à terre.
Sa mère alors, sa tendre mère,
Qui pleurait aussi, sentit bien
Qu'il fallait recourir à quelque heureuse adresse ;
Et voici quel fut le moyen
Que lui suggéra sa tendresse :
De la boisson amère elle ne dit plus rien ;
Mais mettant à la fois plusieurs drogues en poudre,
Dans des œufs et du sucre elle les fait dissoudre,
Y joint de la farine, en forme un vrai biscuit.
Quand il est bien doré, bien cuit,
De son lutin elle s'approche,
Et feignant de tirer un bonbon de sa poche :
Tiens, dit-elle, mon bon ami ;
Si tu iras pas voulu prendre la médecine,
Tu prendras bien du moins ceci.
C'est un biscuit. Tiens, vois comme il a bonne mine.
Aussitôt le petit madré
Du coin de l'œil avec soin l'examine,
Et voyant le dessus, qu'on avait bien sucré :
Hé bien! puisqu'il le faut, dit-il, je le prendrai,
Il le prit en effet sans nulle répugnance :
Il eut pendant trois jours la même complaisance ;
Et sans qu'il s'en doutât, en se purgeant ainsi,
Le malade dans peu se trouva rétabli.
Comme sa tendre et sage mère,
Je voudrais, mes enfants, sans prendre un ton sévère,
Vous corriger de vos défauts.
Les failles, où je tâche et d'instruire et de plaire,
Sont comme les biscuits qu'elle crut devoir faire
Pour allécher son fils et pour guérir ses maux.

Livre I, fable 2


Note de l'auteur :

« On compare les fables à ces biscuits, parce que de même que ces biscuits guérirent le jeune malade en flattant son goût, ainsi les fables instruisent les enfants en les amusant. »


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