L'Enfant et la Raquette

Abbé Clément (1697 - ?)


Un enfant joli comme un cœur,
Et pour l’étude plein d’ardeur,
Savait son catéchisme et commençait à lire.
Il est inutile de dire
Que, de sa mère, il était le bijou,
Et que, sans le gâter, son père en était fou.
Trop s’appliquer nuit à l’enfance ;
Il lui faut de l’amusement :
La mère le sentit. On achète un volant,
On le donne au petit comme une récompense
Du devoir fait diligemment.
L’enfant, armé de sa raquette,
Ne s’occupe plus que du jeu ;
Pour son volant il est tout feu :
Dix fois par jour, en public, en cachette,
Il s’exerce ; c’est là son unique amusette.
De catéchisme, point ; de lecture, très peu ;
Et tout allait si bien qu’enfin la chère bonne
Va dire à la maman que le petit garçon,
Au lieu d’apprendre sa leçon,
Malgré sa remontrance, au jeu seul s’abandonne.
La mère fait venir l’enfant,
Lui reproche ses torts, et reprend le volant.
« Mon fils, je veux bien qu’on s’amuse ;
Mais, quand de mes bontés je vois que l’on abuse,
Je sais comment il faut punir :
Du volant enlevé perdez le souvenir.
Croyez-vous qu’en jouant s’acquière la science ,
Je ne saurais, mon fils, trop vous le répéter :
Le jeu pour les enfants est une récompense,
Et c’est par le travail qu’on doit la mériter. »
Le petit, mis en pénitence,
Prouve, les yeux en pleurs, le cœur plein de soupirs,
Que souvent nos chagrins naissent de nos plaisirs.





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