Le Commerçant et le Confesseur Raymond de Belfeuil (19ème siècle)

Un commerçant, qui s'était enrichi
A vendre du lait et du beurre,
Sentant venir sa dernière heure,
Fait demander un prêtre et se confesse à lui.
» Mon père, lui dit-il, je suis un honnête homme,
Que, pour sa solvabilité,
Dans tout le pays on renomme;
Jamais effet ne me fut protesté !
Dans le cours de mon existence,
Je n'ai ni tué ni volé ;
Dieu me doit donc quelque indulgence ! »
— M'avez-vous bien tout dévoilé ?
Dit le prêtre au mourant.—Oui.—Mais dans vos mesures
N'avez-vous point trompé l'acheteur quelquefois?
Lui donniez-vous toujours le poids?
Et vos jattes de lait étaient-elles bien pures?
— Mais, répondit-il stupéfait,
Ce n'est pas un péché, tout le monde le fait! »

La morale du siècle est bien en décadence,
S'il faut en juger par ces mots :
Car l'exemple de la licence
Ne satisfait la conscience
Que chez les méchants et les sots.

Fable 22




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