Quand l'occasion se présente,
Il faut la saisir aux cheveux,
Sans quoi, la déesse inconstante
N'est qu'un brillant éclair qui fascine nos yeux.
Pour la fortune en espérance,
On perd souvent une modeste aisance.
J'ai vu plus d'une fois, lâchant un bon morceau
Dans l'eau,
Un barbet courir après l'ombre.
De ces gens il en est sans nombre :
On a vu des chasseurs, pour un lièvre incertain,
Laisser échapper un lapin ;
Et le soir, harassés, regagner leur chaumière,
N'ayant rien dans la carnassière.
Ou a vu des pêcheurs, poursuivant un barbeau,
Mépriser un gardon qui nageait a fleur d'eau,
Et sur la fin du jour, ployant leurs rets humides,
Sans barbeau ni gardon, revenir les mains vides ;
J'ai vu, chez Jean, mon maître, un dédaigneux héron
Méprisant, tour-a-tour, carpe, brochet, goujon,
Souper enfin d'un limaçon ;
Puis, une fillette trop fière,
Laissant fuir des amans la brigade légère,
Prendre, quand elle vit leur essaim disparu,
Pour son époux, un malotru.
J'ai vu,.., Je me suis vu moi-même,
Me comportant comme un vrai sot.
Je pouvais, comme un autre, amasser un magot,
J'ai préféré l'Honneur. — Oh ! l'absurde système.