Un traitant avait un commis ;
Le commis un valet ; le valet une pie.
Quoique de la rapine ils fussent tous amis,
Des quatre, l’animal était la moins harpie.
Le financier en chef volait le souverain ;
Le commis en second volait l’homme d’affaire ;
Le valet grappillait ; il eut voulu mieux faire ;
Et des gains du valet Margot faisait sa main.
C’est ainsi que toute la vie,
N’est qu’un cercle de volerie.
Le valet donc à son petit magot
Trouvait toujours quelque mécompte.
Qu’est-ce dit-il. Quel est le coquin qui m’affronte ?
Dans mon taudis il n’entre que Margot.
À tout hasard il vous l’épie,
Et la prend bientôt sur le fait.
Il voit notre galante pie
Du coin de l’œil faisant le guet,
Prendre à son bec sa pièce de monnaie,
Et puis dans le grenier courant cacher sa proie.
C’était là que Margot avait son coffre fort ;
Amassant sans jouir ; bien d’autres ont ce tort.

Oh, ça, dit le valet, en surprenant sa belle,
Je te tiens donc, et mon argent aussi.
Voyez la gentille femelle :
J’en suis d’avis ; on volera pour elle ;
Elle en aurait le gain ; j’en aurais le souci.
Il prononce à ces mots la sentence mortelle.
Margot à sa façon se jette à ses genoux ;
Grace, lui cria-t-elle ; un peu plus d’indulgence ;
Au fonds je n’ai rien fait que vous ne fassiez tous.
Ou par justice, ou par clémence,
Donnez-moi le pardon qu’il vous faudrait pour vous.
Ce caquet était raisonnable ;
Mais le valet inexorable
Lui coupe la parole et lui tord le gosier.
Le plus faible, c’est l’ordre, est puni le premier.

Livre II, fable 2






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