Un mariage entre étrangers Augusta Coupey (1838 - 1913)

Un étalon depuis peu monogame,
Hors du pays cherchait seconde femme.

Une jument coquette l’attirait,
À bien parler notre veuf l’adorait.
Il réfléchit qu’elle était de l’Ukraine,
Où l’étranger est un objet de haine.
Mais l’amoureux étant pris follement,
Le mariage eut lieu civilement.
Couples unis ont doux fruits d’hyménée,
Un beau poulain leur naquit dans l’année.
L’intelligent et gentil animal
Avait le cœur plein d’amour filial.
Vif et léger, hennissant à la poudre,
Bravant le fer, les flots, le feu, la foudre ;
Tous ses instincts en faisaient un coursier
Pour le combat précieux au guerrier.
Cinq ans plus tard, une mortelle offense,
Contre le Slave indisposa la France.
Il dut partir. Le père dit au fils :
— Venge cent fois l’honneur de ton pays !
— Non, mon enfant, reprit la mère en larmes,
Ne foule pas la steppe au bruit des armes ;
C’est mon berceau, celui de tes aïeux
Vainqueurs jadis du Français glorieux.
En écoutant le maternel langage
Le cheval perd son belliqueux courage ;
Dans la mêlée il lutte au dernier rang,
N’osant combattre et sa chair et son sang.
Désespéré d’être traître à la France,
À sa défaite il maudit sa naissance.

Est-il le seul métis, au pays des Gaulois ?
Répondez généraux, diplomates et rois.

Livre II, Fable 6




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