Un Mariage remanqué J-M Henri Tinténiac (17?? - 1805)

Deux jeunes gens étant à peu prés du même Age,
Et qui s'aimaient très-tendrement,
Voulaient tout naturellement
S'unir par un doux mariage ;
Mais le père de l'un prisant fort le billon,
Et la mère de l'autre aimant le picaillon *,
L'accord, pour quelques sous, ne put jamais se faire.
Notre jeune homme alors, par dépit amoureux,
Trouvant que se détruire était trop dangereux
Et bête autant que téméraire,
Se fit… moine ? non pas, mais bien apothicaire,
Ce qui lui rapportait beaucoup d'émoluments ;
Et la fille, fidèle à ses premiers serments,
Chose rare, voulut rester célibataire.
Quelque vingt ans après *, les parents étant morts,
En laissant tous les deux d'assez bons coffres-forts,
Elle lui dit : ô vous, le plus heureux des hommes,
Aujourd'hui que libres nous sommes,
Voulez-vous m'épouser ? L'autre, assez interdit,
Prit d'abord de tabac une prise, et lui dit :
Sans doute, toujours je vous aime,
Mois je vous aimais plus n'ayant que vingt printemps ;
Car, comme vous avez aujourd'hui quarante ans,
Vous n'êtes plus du tout la même,
Et vous avez perdu tous vos charmants appas.

Chaque créature ici-bas
Aime ce qui lui plaît, cherche ce qui la flatte,
De même qu'un galeux se gratte ;
Elle aime ce qu'on a, beauté, rang ou ducats,
Mais quant à la personne, elle ne l'aime pas.





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