Les Moutons gardiens d'une prairie Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Des moutons se trouvaient gardiens d'une prairie .
Le fait est très original,
On n'y croira pas je parie,
Et l'on prendra cela pour un puff de journal.
Mais qu'importe à notre apologue ?
Discuter sur ce point n'est pas ici le cas ;
Pourtant je sais chez nous plus d'un fait analogue
Que l'on ne démentirait pas .
Or nos gardiens, sur le qui vive,
L'œil au guet, l'oreille attentive,
Et dirigeant tous leurs efforts
Contre la moindre tentative
Qui pouvait venir du dehors,
S'acquittaient avec conscience
Des devoirs de leur mission,
Et l'on ne pouvait trop louer leur prévoyance
Et leur constante attention.
Qu'un intrus, dans le pré, s'en vint chercher pâture,
Vous eussiez dû voir leur courroux,
Ouïr leurs bêlements ; ils étaient de nature
A faire reculer des loups.
Mais un jour le propriétaire,
Qui dans son pré s'était rendu,
Vit que, malgré leur vigilance austère,
Plus d'un endroit avait été tondu.
Savez-vous bien pourquoi ? c'est que nos bons apôtres,
Sous prétexte d'indemnité,
Eux si rigides pour les autres,
Avaient, sans scrupule, brouté.

Le pré, c'est le budjet, et le propriétaire
N'est autre que la nation ;
Les moutons sont... mais chut! je préfère me taire :
Commette qui voudra cette indiscrétion.

Fable 49




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