Que j'aime ces pauvres Moutons !
Ils ont toujours l'âme si bonne !
Ah ! sans les Loups, Dieu me pardonne !
Je chercherais parmi la gent moutonne
Mes amis et mes compagnons.
Aux premiers jours de la froidure
Quelques Moutons voyaient l'herbe des champs
Jaunir, sécher : sur la nature
Les voilà tous réfléchissants.
Vous allez croire qu'ils gémissent
De ne plus voir les prés fleuris ;
Mais point du tout : ils s'attendrissent
Sur leur chien.Vous voilà surpris,
Lecteurs vous avez droit de l'être.
Tant de bonté, si je sais vous connaître,
N'entra jamais dans vos esprits.
Ils se consultent, délibèrent :
Le résultat de l'entretien
Fut qu'ils se dépouillèrent
De leur toison pour en couvrir le chien.
C'est notre ami, notre soutien ;
C'est pour nous qu'il veille sans cesse :
En attendant que le printemps renaisse,
Tenons-le chaudement ; qu'il ne lui manque rien.

Il faut être Mouton pour penser aussi bien.

Livre II, fable 14




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