Le Renard et les Moutons Joseph Barthélemy de Feraudy (1762 - 1831)

Un renard fort astucieux
Pérorait la gent moutonnière ;
Il disait aux moutons : Vous êtes malheureux.
Il désapprouvait la manière
Dont les chiens du berger agissaient envers eux.
Ils vous tiennent dans l'esclavage,
Sous prétexte de vous garder.
Secouez votre joug ; le parti le plus sage
Pour en venir à bout, est de tout hasarder.
Tel était l'avis salutaire
Que leur donnait notre madré compère ;
Mais le motif se devine aisément,
Quand on sait que le fourbe était un émissaire
Qu'un loup avait mis en avant,
Et qu'il devait avoir bonne part à la chère
Qu'aux dépens des moutons eût fait l'autre vaurien,
Si lui-même avait pu mener l'affaire à bien.
Un vieux bélier qui connaissait l'histoire,
L'ayant très bien compris, dit : Grâce à ma mémoire,
Je sais où tend ce perfide discours :
Tu veux comme jadis, nous ôtant tout secours,
Que nous soyons au loup livrés sans résistance,
Afin de lui servir, comme à toi, de pitance ;
Et pour éviter le danger,
Par ton astuce cruelle,
Nous soustraire à la tutelle
Et de nos chiens et du berger.
En achevant ces mots, voilà qu'il les appelle.
Plein de frayeur, notre renard
Veut se sauver ; mais il était trop tard.
Le drôle fut atteint de la bonne manière
A coups de dents et de bâton ;
On envoya l'orateur mercenaire
Pérorer aux enfers les troupeaux de Pluton.

Si partout on avait l'adresse
De se défier prudemment
De tout renard de cette espèce,
On vivrait plus tranquillement.

Livre II, fable 10




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