Un renard, qui toujours sut fonder sa cuisine
Sur ce que produisaient le vol et la rapine,
Avait acquis de quoi vivre dans son terrier
Aussi commodément qu'un gros bénéficier.
Affublé du manteau de dame hypocrisie,
Il affectait si bien un air de probité,
Qu'il s'était fait nommer chef de l'aumônerie,
Et des deniers publics faisait la charité
À ceux dont il causa par ses vols la misère.
Le tartuse en donnant des secours généreux,
Grâce au faux jugement du stupide vulgaire,
Tout fripon qu'il était passait pour vertueux.
Mais chacun ne fut pas dupe de l'apparence ;
De ce fourbe un quidam dévoila l'impudence,
Et le rendit à tous justement odieux.
Soudain maîtres renards décidèrent entre eux,
Afin que désormais leur digne confrérie
N'eût plus lieu de rougir de telle fourberie,
Qu'il fallait sans délai, par un signe certain,
De l'honnête renard distinguer le faquin,
Et firent au madré couper les deux oreilles.

Si parmi les humains à des peines pareilles
On allait condamner tous les adroits fripons,
On verrait aussitôt une nouvelle mode ;
Car au lieu de chapeaux, il serait plus commode,
Pour bon nombre de gens, d'avoir des capuchons.

Livre II, fable 48




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