Le Renard et le Corbeau Bourgeois-Guillon (19è siècle)

Malgré tout son génie en ruses si fertile,
Dans un piège un renard était pris, bel et beau,
Patte et queue. En effort, hélas ! bien inutile,
Il se consume, y suant sang et eau.
Passe dans l'air maître corbeau.
C'est notre escroqueur de fromage,
Dit-il. Eh quoi ! c'est vous monsieur le doux flatteur,
Dieu me garde qu'ici mon cœur
Vous rende outrage pour outrage :
Voyons plutôt si je ne pourrais pas
Vous tirer de ce mauvais pas.
Seigneur, dit le. renard, sur ma reconnaissance
Fiez-vous... les renards ne sont pas des ingrats.
Votre âge. ef votre expérience,
Dans l'avenir votre science,
Votre... Vous me fk'tez encor, dit le corbeau,
Serait-ce pas uii tour nouveau ?
Mais, je l'ai bien juré : de vous sans doute
J'ai trop appris que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute ;
Je n'y serai plus pris ; adieu, monsieur !
Et mon corbeau de poursuivre sa route.
Renard lui crie : Adieu, vieil oiseau de malheur !

L'injure suit de près l'éloge adulateur.

Livre I, Fable 2


Imitation de La Fontaine

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