Certain renard assez mal avisé,
Ne sachant pas cacher sa fourberie,
Était pour ce motif tellement méprisé,
Que par les siens, même avec barbarie,
Il fut mis un beau jour hors de leur confrérie.
Ce n'était pas pour être trop voleur ;
Car il faisait ce que faisaient les autres ;
Mais ceux-ci, plus rusés, se disaient gens d'honneur,
Dans le monde passaient pour de très-bons apôtres.
C'est ce que nous voyons tous les jours ici bas.
On peut broncher et faire de faux pas :
Pourvu qu'on se tire d'affaire,
D'éloges on ne chôme guère ;
En pas : revanche on punit qui ne réussit
L'essentiel est le savoir-faire.
Tel nous prêche la probité
Et nous séduit par sa parole,
Qu'il n'est qu'un fripon éhonté
Qui joue adroitement son rôle.
Le mortel le plus corrompu
Fait l'éloge de la vertu ;
Et tout s'arrange de manière,
Dans ce vrai monde de misère,
Que ceux qu'on vante et qu'on croit bons,
Ne sont souvent que des adroits fripons.
De tout ceci la conséquence est claire,
Et dussions-nous de la société
Encourir ici la colère,
On peut dire avec vérité
Que de s'en méfier est parfois nécessaire.

Livre II, fable 13


Que de gens, malheureusement dans le monde, à qui l'on pourrait faire l'application de ces deux vers d'Horace !
Tu nihil admittes in te formidine pono.
Sit spesfallendi : miscebis sacra profanis.


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