Le Renard myope Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Un renard était fort myope;
Mais il s'était imaginé,
Par l'amour-propre fasciné,
Que chacun de ses yeux était un télescope.
D'abord de son terrier, et c'était fort prudent,
L'animal s'écartait à très peu de distance,
Et, près de lui, trouvait sa subsistance,
Même un peu de bonheur, sans risquer d'accident.
Dans cette vie étroite et pourtant fortunée,
Pourquoi s'ennuya-t-il si tôt ?
Las! il trouva, le pauvre sot,
Son existence trop bornée.
Il en voulut agrandir l'horizon ;
Mais, alors qu'à dix pas, il y voyait à peine,
N'était-ce pas manquer de bon sens, de raison ?
Le voilà cependant courant la pretentaine ;
Il va droit devant lui, sans dessein, au hasard,
Sans songer aux dangers qui l'attendent en route.
Il tombe en un bourbier, et le pauvre renard
En mourant regretta sans doute
Son humble terrier, mais trop tard.

Partisans du progrès, que pousse trop d'audace,
Vous qui courez sans savoir où,
Vous êtes sur le bord du trou,
Le sort du renard vous menace,
Que je puisse du moins vous crier Casse-cou !

Fable 50




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