Aux champs de la Lusitanie,
Un oranger, aux pommes d'or,
Étalait aux yeux le trésor
Dont chaque tige était garnie.
De l'arbre la suave odeur,
Le vert brillant de son feuillage,
Ses fruits surtout, sous son ombrage
Attirait plus d'un maraudeur.
Chacun s'épuisait en louanges :
Quel arbre magnifique et quel fruit excellent !
On ne saurait goûter rien de plus succulent.
Mais, en parlant ainsi, on mangeait les oranges.
L'oranger, à l'accueil dont il était l'objet,
Éprouvait un plaisir extrême ;
Aussi disait- il en lui-même,
« De ces propos flatteurs quand je suis le sujet,
Il faut qu'on m'estime et qu'on m'aime. »
Hélas ! il se trompait ; car, son fruit épuisé,
Il n'eut plus le plaisir d'entendre
Ces éloges si doux qui l'avaient abusé.
Il cessa d'être courtisé ;
On n'en pouvait plus rien attendre.

Hommes qui gouvernez, gardez-vous de prétendre
Que ces hommages assidus,
Que ces soins qui vous sont rendus,
Ce soit vraiment à vous que l'on vienne les rendre ;
Si vous n'aviez plus de fruits d'or,
(J'entends de faveurs à répandre),
Croyez- vous qu'on viendrait encor ?

Fable 51




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