Est-ce en vain, Lise, que j'espère
De tenir ma place aujourd'hui
Dans un recoin de ton parterre ?
Hélas ! mon plus beau jour à lui :
Je n'ai plus ces fleurs odorantes
Qui se succédaient tour-à-tour ;
Mais bientôt , pour toi renaissantes ,
Elles vont hâter leur retour.
La rose plaît à Cythérée,
Le myrte est l'arbre de l'Amour,
Toujours libre jusqu'à ce jour,
Ma fleur n'était point consacrée :
Que mon sort serait glorieux
Si j'étais accueilli des Grâces !
Toi qui si bien nous les retraces,
En m'adoptant comble mes vœux,
Sois ma déesse tutélaire,
Et daigne me servir d'appui ;
Qu'on sache en tous lieux aujourd'hui
Que j'ai le bonheur de te plaire.
Je suis le seul arbre sur terre
Qui s'offre aux yeux en même temps
Paré d'une double couronne,
Des fleurs brillantes du printemps
Et des fruits exquis de l'automne.
Si j'ose ici te rappeller
Que j'ai l'utile et l'agréable,
La vanité m'est pardonnable,
Je suis fier de te ressembler,
A toi dont le rare partage
Est de joindre au doux badinage,
À la fraîcheur de tes quinze ans,
À tous les charmes de ton âge,
La raison, solide avantage,
Dont tant d'autres ne font usage
Qu'en la saison des cheveux blancs.

Fable 28




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