Chargé du plus beau fruit du monde,
L'Oranger regardait les arbres à la ronde,
Dont il était avaisiné.
Il sc félicitait d'être le mieux orné
Par l'éclat de ses fruits 8c par leur abondance,
Et se trouvait un arbre d'importance.
II aperçoit un olivier :
Son fruit lui parait singulier
Par sa maigreur et par sa petitesse,
Pour un arbre si grand : ce contraste le blesse.
Il commençait à le railler,
Lorsqu'il s'élève un vent épouvantable,
Qui déployant sa fureur indomptable,
Les attaque tous deux, abat les fruits si beaux,
Ebranle la racine et brise les rameaux
De l'Oranger, qui faisait l'agréable.
Réduit en cet état, dépouillé, misérable,
Il reconnaît sa folle erreur,
Et que son abondance a causé son malheur.
L'Olivier cependant résiste à la tempête :
Chaque branche courbe sa tête.
Le fruit rient ferme et n'est point ébranlé :
La petitesse en fait la sûreté.
Le désir des grands biens est une maladie
Dont on guérit mal aisément :
Mais leur possession est constamment suivie
De dangers et de maux qui font notre tourment.
Quel est donc l'état désirable ?
La médiocrité. C'est le moins variable.
D'où j'établis, comme un point capital,
Cette maxime incontestable :
Que les grands biens sont un grand mal.