À pas précipités errant sur le rivage,
Et tantôt effleurant la surface de l'eau,
La corneille, sinistre oiseau,
Prévoyait un affreux orage,
Allait, venait, se tourmentait.
Les cris aigus qu'elle poussait
Faisaient frémir son noir plumage ;
Au loin l'écho les répétait :
Et pendant tout ce beau tapage,
Un rossignol au doux ramage
Sur un arbre voisin chantait.
Insensé, lui dit la corneille,
D'un chant doux et mélodieux
C'est bien le temps de nous frapper l'oreille ;
Considère l'état des cieux.
Que je te plains ! l'orage te menace ;
Tu dervais pleurer ta disgrâce,
Et tu vas chanter le plaisir !
Malheureux, qui jamais n'as connu l'avenir !
Malheureux ! dit l'autre ; eh ! de grâce,
Quel bien pourrais-je en recueillir ?
Si je voyais mes maux et tous ceux de ma race
En un monceau se réunir,
Ils me feroient frémir d'avance.
Tu plains mon sort ; je le préfere au tien,
Loin d'envier ta connaissance.
Un mal en apparence est quelquefois un bien.