Les petits Chiens Pierre Didot (1761 - 1853)

Deux petits chiens d'une même portée,
Tous deux jolis , et mignons , et bien faits,
Et se ressemblant traits pour traits,
Avoient tous deux une peau tachetée,
Patte fine , joli museau,
Les yeux vifs , longue soie , oreille bien tombante,
La queue exactement recourbée en cerceau :
Enfin leur ressemblance en tout était frappante.
Leurs noms différaient peu; l'un se nommait Hector ;
L'autre Médor.
Un soir, temps fertile en méprises,
Lorsque sur des ombres plus grises
Une invisible main vient déployer sans bruit
Le sombre voile de la nuit,
Leur maîtresse rentra ; de quel endroit ? n'importe :
Il suffit de savoir qu'en entr'ouvrant la porte
Elle appella deux fois distinctement Hector.
Nos deux chiens sommeilloient encor.
Médor pourtant s'éveille . Allons , mon camarade,
Lui dit-il en parlant tout bas,
Lève-toi donc; es-tu sourd ou malade ?
On t'appelle , n'entends-tu pas ?
Tout en lui faisant ce reproche,
Il retourne la tête, et voit que de sa poche
Sa maîtresse tirait un morceau de brioche.
Sûrement je dormois encor,
Dit-il , quand j'ai jugé qu'on appelloit Hector.
Peut-être nos noms par elle
Auront été confondus :
Tantôt elle m'a dit que j'étais son fidèle ;
À présent je n'en doute plus ,
Oui, c'est moi, c'est moi qu'on appelle ;
Courons, elle me tend les mains,
Et ne réveillons pas mon frère qui sommeille.

On reconnaît là les humains;
Souvent leur conduite est pareille.

Fable 30




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