Les deux Chiens rivaux Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Briffaut, chien dangereux,
Très-vif, entreprenant et d'une rare espèce,
Contre Sultan le courageux
Luttait souvent et de force et d'adresse.
Brifaut toujours avait eu le dessus ;
Mais, trop fier de cet avantage,
Il narguait son rival confus
Que le ressentiment animait davantage.
L'occasion se présenta
De se livrer à la vengeance.
Brifaut, par une extravagance,
Je ne sais quel être insulta....
Et, sur-le-champ , Sultan vit fondre
Tous les roquets sur ce pauvre Brifaut.
A plusieurs à-la-fois il aurait pu répondre
Et les arranger comme il faut.
Contre le nombre, hélas ! il n'a que son courage :
Chacun lui donne un coup de dent ;
Et, pour mettre à profit un si grand avantage
Veut décider en ce moment
L'ennemi de Brifaut à lui livrer bataille ;
Mais leur lançant un regard de courroux :
Allez, dit- il, vile canaille,
Mon ennemi, succombant sous vos coups,
Du fier Sultan n'a rien à craindre :
On ne me verra point me borner à le plaindre,
Non : je suis son ami, dès qu'il est malheureux,
Et son vengeur. » Tout aussitôt sur eux
Sultan, comme un éclair, s'élance,
Et la troupe qui l'accablait
Se disperse. Il étend par terre maint roquet.
Brifaut voit luire un rayon d'espérance,
Il se dégage : et nos rivaux unis
Frappent de mort la multitude ;
Libres après, sans crainte et sans inquiétude,
Brifaut, Sultan, furent toujours amis.

Envers un ennemi puissant ou redoutable,
Montrons-nous toujours généreux,
Et n'insultons jamais à ceux
Que le grand nombre accable.

Livre I, fable 8




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