Le Boucher et ses Chiens Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Certain chien vagabond
Déroba, sur la brune,
Un gigot de mouton :
C'était une bonne fortune ;
Par malheur, le bouclier,
Apercevant l'escamotage,
Fut, pour prévenir le dommage,
À la hâte lâcher
Sa meute gendarmière,
Et le voleur n'eut pas beau jeu.
De cette bande carnassière,
Tous les chiens, pleins de feu,
Voulaient remporter la victoire,
Et le gigot et le voleur
Furent sacrifiés à ces vains mots d'honneur,
De bravoure et de gloire,
Gomme en ce bon vieux temps, où plus d'un preux vainqueur
Courut, pour l'aire éclater sa vaillance,
Éventrer bravement
Et la vieillesse, et le sexe et l'enfance.
Or, dans leur noble acharnement,
Nos héros, sans délicatesse,
Du gigot, que chacun dépèce,
Font leur butin, au grand regret
Du boucher, qui, plein de colère,
Accourt pour prononcer l'arrêt,
En reprochant aux chiens ce lâche trait.

Ils répondent: « Ami, le proverbe vulgaire
Dit : Toute peine vaut salaire.
On voit ainsi des amis empressés,
Que notre seul bien-être occupe
On les croit désintéressés
Et l'on est sans cesse leur dupe

Livre I, fable 9




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