L'Observateur et les Chiens Prosper Wittersheim (1779 - 1838)

Tout est leçon pour un observateur.

Un barbet d'assez belle taille
Passe tranquille ; un dogue avec fureur
Sur lui s'élance... et, surpris, il tressaille,
Immobile, il attend l'humoriste grondeur,
Demeure calme et prend un air d'indifférence ;
Dans ses forces c'était un peu de méfiance.
Cette raison, le jugement si sain
Ferait honte à l'esprit de plus d'un fier humain ; -
De tous côtés, sans trouble, avec calme il regarde ;
Cependant, ô prudence ! il a l'œil à sa garde.

Le dogue grogne et lui montre les dents,
Tourne alentour, rien 11e hasarde,
Mais fait voir par ses yeux ardents
Qu'une escarmouche aurait pour lui beaucoup de charme
Par son flegme, pourtant, le barbet le désarme.
Il oublie enfin son courroux,
Et, lentement, s'en va plus doux.

L'observateur là-dessus rêve encore,
Quand le flegmatique, à son tour,
Change de rôle ; il court
Vers un chien plus petit, que de l'œil il dévore,
L'assaille, plein d'une superbe ardeur,
Et lui secoue un peu l'oreille.
L'adversaire a de la vigueur ;
Sa colère s'éveille,
Mais il se sent moins fort,
Et fuit... car les battus ont tort.

L'observateur alors décide
Qu'il est plus d'un Alcide,
Dont l'instinct sur juge les bons partis:
Calmes avec les grands, ils battent les petits.

Livre VI, fable 19




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