La Discorde, un beau jour, se dit:
« Vainement je m'agite en cette triste France,
J'y vois tomber mon vieux crédit,
Aussi vit-on jamais semblable concurrence ?
Chacun se mêle du métier ;
En gros, en détail, on l'exerce,
Et le plus maladroit le dispute au premier ;
Oh ! c'est la ruine du commerce !
Cherchons fortune ailleurs. »
Elle dit ; la 'voilà partie.
Le monde est grand ; mais dans quelle partie
Va-t-elle essayer ses fureurs ?
Les pays connus, grâce à l'homme,
Sont partout exploités ;
On y sait manier la pomme,
Tous les secrets sont éventés.
En se consultant de la sorte,
La voyageuse fend les airs,
En d'autres climats se transporte,
Et bien loin, au delà des mers,
Dans un pays immense,
Descend chez un peuple nouveau,
Où tout annonce une grande opulence.
Vite, elle fait assembler le barreau,
Les maris dégoûtés et les célibataires,
Les poètes et les plaideurs,
Les artistes, les clabaudeurs,
Les héritiers et les notaires,
A peu près tout le monde ; explique son grand
Aux coquettes parle à l'écart,
A tous, enfin, promet de brillantes affaires.
« Madame, il est trop lard, dit un juge irrité,
Nous axons l'Intérêt... surtout la Vanité. »