Le Loup, le Renard et les Lapins Fortuné Nancey (? - 1860)

La raison la meilleure est celle du plus fort ;
La Fontaine l'a dit ; mais je crois qu'il a tort.
La maxime contraire est plus juste et plus neuve ;
Car encor bien que l'un de l'autre soit voisin,
Au-dessus du plus fort je place le plus fin
Et je vais en donner la preuve.

Un vieux renard, un loup cervier,
Tous deux chassant sous bois, étaient à la poursuite
De lapins, qui prenant à leur aspect la fuite,
D'un bond regagnaient leur terrier.
Le loup désappointé, que le dépit emporte
Veut tout briser,. trépigne et des pieds et des dents
Encombre leur retraite, en dévaste la porte ;
Mais en vain ; il ne peut pénétrer au-dedans.
Et puis par ce revers, sa fureur amortie,
Force n'y pouvant rien, il quitte la partie.
Le renard, plus instruit et plus persévérant
N'ahandonne pas la terrière,
Il sait que tout lapin a porte de derrière ;
Vers une autre ouverture aussitôt il se rend.
Se blottit dans le voisinage,
Et là, bientôt a l'avantage
De croquer à souhaits, sans combats ni tapage
Plus d'un jeune amateur de thym,
Trompé par le silence et sorti trop matin.

Ce qui donne à mon sens la victoire au plus fin.

Livre II, fable 15




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