Certain loup et certain renard
Firent, dit-on, un jour pacte de malfaisance.
Ruse avec violence,
C'eût été grand hasard
S'il n'en eût rien résulté de sinistre.
Des volontés de l'un l'autre était le ministre ;
Nouvelle perfidie et nouvel attentat
Signalaient chaque jour le couple scélérat.
Afin d'assouvir mieux leur humeur sanguinaire
Et faire au faible une plus sûre guerre,
Ils créèrent un tribunal.
Ils siégeaient tour à tour. Par un arrêt fatal,
Là, pour la moindre cause, et par eux amenées
La poule et la brebis gémissaient condamnées.
Ils étaient à la fois juges, accusateurs,
Et de leurs jugements les durs exécuteurs.
Mais tout a sa mesure, et la sombre injustice
Sous ses pieds à la fin creuse le précipice
Où tombant avec ses forfaits
On la voit pour jamais,
Sous les coups de la foudre, en courroux disparaître,
Tel fut de nos brigands enfin le juste sort.
Certain événement entr'autres le fit naître.
Les deux tyrans venaient de condamner à mort
Une brebis l'honneur de la prairie.
Des bergers et des chiens également chérie,
Tous les ans d'un double jumeau
Elle enrichissait le troupeau ;
Et les petits de défunte Fidele,
Epouse du vieux Procyon,
Qui, chez Admete, avait servi sous Apollon,
Par elle avaient été nourris à sa mamelle.
Ils étaient trois ; déjà chiens forts et valeureux,
Reconnaissans sur-tout et généreux.
De leur nourrice infortunée
Ayant appris l'affreuse destinée,
Le lieu, le jour et l'heure où, sous la dent du loup,
Elle doit de la mort subir le triste coup,
Vers la place fatale en secret ils se rendent ;
Là, derriere un buisson, retranchés ils attendent,
Qu'à leurs yeux la victime enfin vienne s'offrir.
Elle paraît. Soudain nos héros de courir,
Fondre sur les brigands, leur arracher la vie,
Et rendre à son troupeau la brebis si chérie.