Les Chiens, les Loups et le Renard Louis de Valmalète (19 siècle)

Une bande de Loups, fléau de la contrée,
Depuis longtemps guettait certain troupeau
Qui promettait une large curée.
Mais le berger voyait sous son drapeau
Une élite de Chiens que commandait Tayau.
Certain Renard, blotti derrière une muraille,
Sans prendre aucun parti, se tenant à l'affût,
Voulait rester témoin de la bataille,
Prêt à se joindre au vainqueur, quel qu'il fût.
Un soir, Guillot venait de sonner la retraite :
Les moutons par les Loups soudain sont investis ;
Tayau veille, et par lui tous les Chiens avertis,
S'élancent, et des Loups la déroute est complète.
Notre Renard des Chiens voit le succès certain,
Sort de son trou, parmi les Chiens se mêle ;
Et, dans l'espoir d'avoir part au butin,
Contre les Loups s'apprête à signaler son zèle.
Tayau le voit : Que fais-tu là, coquin ?
Lui dit-il ; as-tu l'insolence
De montrer ici ton museau ?
Quoi ! n'ayant du combat osé courir la chance,
Tu voudrais avec nous prendre part au gâteau !
T'es-tu flatté que ta lâche prudence
De la valeur aurait la récompense ?
Non ; du vaincu tu subiras le sort.
Cela dit, il l'attaque et lui donne la mort.

Ainsi périsse tout Thersite
Qui, des bons, des méchans observant les débats,
Et, redoutant le danger des combats,
De la neutralité peut garder la limite :
Chacun doit applaudir à son juste trépas ;
Quel parti pleurerait celui qui n'en a pas ?

Livre I, Fable 8




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