Deux Loups, très-mauvais garnements,
Deux Loups, fameux par leurs rapines,
Avaient, longtemps, au sein des campagnes voisines,
Exercé la fureur de leurs déportements.
Las de forfaits et de tant de ravages,
L'un d'eux s'écrie un jour : « Confrère, soyons sages :
Tuer et ravager sont tristes passe-temps ;
Mettons un terme aux brigandages,
Et, s'il se peut, soyons honnêtes gens. »
A ces propos édifiants,
L'autre applaudit, et d'assez bonne grâce ;
Tiens, dans ce champ, vois-tu ces moissonneurs ?
De nos torts envers eux pour effacer la trace,
Allons, dit-il, allons partager leurs labeurs.
Aussitôt dit que fait : et, de deux travailleurs
Endossant les habits, l'un et l'autre avec zèle,
Va disposant entassant la javelle ;
Et, vraiment, foi d'historien,
Les bons apôtres allaient bien.
Un doux agneau, paissant l'herbette,
Auprès d'eux passe par hasard ;
Nos deux larrons lèvent la tête ;
La soif du sang de l'innocente bête
Respire dans leur œil et féroce et hagard.
Mais Médor, qui sur eux attachait son regard,
Médor aboie : instruits par ce gardien fidèle,
Les moissonneurs apprennent la nouvelle
De la présence de nos Loups.
À cet aspect, les cœurs sont en proie aux alarmes :
On crie, on court, on prend les armes ;
Les deux fripons allaient succomber sous les coups ;
Mais, prenant aussitôt la fuite,
Dans la forêt ils regagnent leur gîte,
Où chacun, m'a-t-on dit, d'un commun sentiment,
Se repentit de son amendement.
Ah ! l'on a beau se masquer un moment,
On a beau dire, on a beau faire,
On reste ce qu'on fut, c'est l'usage ordinaire :
Ne croyons point au changement.