Les deux Loups Simon Pagès (17ème siècle)

Vers le milieu d'une vaste forêt,
Était une profonde fosse ;
C'était pour tous les loups un vrai coupe-jarret.
Chaque nuit une proie attrayante, mais fausse,
Dans le piège les attirait.
Deux loups, fameux par leur rapine,
(L'un d'eux était le Cartouche des loups ),
Un jour d'hiver, pour eux temps de famine,
A ce funeste lieu se donnent rendez-vous.
Ils arrivent tous deux pendant l'heure propice,
C'est-a-dire vers le minuit.
Malgré les ombres de la nuit,
D'ingénieur le plus fin fait l'office,
Et bientôt de sa course il n'attend aucun fruit.
—Le danger, frère, est grand; ce profond précipice
Au plus rusé serait fatal;
Je l'assure. foi d'animal .
Dit mon Cartouche: —Eh bien ! répond avec audace
Le second loup (c'était des loups le plus vorace),
S'il faut mourir, mourons; prudence est lâcheté.
Il prend | élan, franchit l'espace ;
Il repart sa voracité.
Cartouche adroitement demeure au bord du siège,
Et, sans descendre dans le piégé,
Excitant A propos la générosité
Du compagnon, il goûte de la proie
Qu'avec les dents l'audacieux envoie.
Quand maître loup a contenté sa faim,
Hl veut sortir; il saute, il saute, mais en vain:
Il fait cent fois le tour; il n'est aucune voie.
Le bon Cartouche s'attendrit,
Et cherche quelque tour d'esprit
Pour tirer le pauvre confrère
D'affaire ;
Mais, hélas! rien ne réussit.
Le jour commençant a paraître,
Ils se lamentent leurs adieux :
~Cartouche fuit; arrive un maitre
Qui met a mort l'audacieux.
Evitons la forfanterie :
Quand le danger est grand, s'y jeter est folie.

Livre IV, Fable 7




Commentaires