Les Loups et les Chiens Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Dans la société des bons
Rarement un méchant s'amende et-se corrige ;'
Mais placez l'honnête homme au milieu des fripons.
Et je tiendrais pour un prodige
S'il tardait à leur ressembler. '.
Ce que j'avance ici, le trait suivant le prouve :

Un berger, pénétrant dans l'antre d'une louve
Que ses chiens venaient d'étrangler,
Y trouva trois petits; du fer de sa houlette
A leur donner la mort aussitôt il s'apprête ;
Mais ensuite, en considérant
A quel point cette race est courageuse et-forte,
Il change d'avis, il les prend,
Et dans sa panetière au logis les emporte.
« Je veux, se disait-il, tenter par tous moyens
De corriger en eux ce naturel sauvage,
Ce sanguinaire instinct qui les pousse au carnage ;
Et si par bonheur j'y parviens,
De mes troupeaux j'en ferai lés gardiens,
Et, désormais sans crainte, étendu sur l'herbette,
J'enflerai, tout le jour, les sons de ma musette. «
De retour au logis, parmi de jeunes chiens
Le berger mit donc sa capture. '
La lice, bonne créature,
A ces petits bientôt s'attacha comme aux siens,
Leur donnant même nourriture,
Même tendresse, mêmes soins.
Mais, dès qu'ils peuvent seuls pourvoir à leurs besoins,
L'instinct des jeunes loups tout à coup se révèle :
Turbulents, toujours eh querelle,
Ils attaquent déjà la volaille en leurs jeux>
Et se hérissent furieux,
En entendant l'agneau qui bêle.
Ce n'est pas tout : les chiens élevés avec eux
Deviennent à leur tour indociles, hargneux,'
Avides de rapine, et toujours prêts à mordre.
Au chenil pour rétablir l'ordre,
Le berger fut contraint de les détruire tous;
Sans distinguer ni chiens ni loups.

Livre III, Fable 24, 1856




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