Sire loup et sa louve et ses deux louveteaux
Entendirent, un jour, de leur antre sauvage
Un formidable bruit ébranlant les coteaux.
« Ce n'est pas, dit le loup, un amusant tapage !
D'où peut provenir en ce jour
Tout ce vacarme affreux fait pour vous rendre sourd ?
Seraient-ce des chasseurs courant sur la bruyère ?
Mes enfants, restez là, sous l'œil de votre mère,
Sans songer à sortir do notre obscur réduit ;
Moi, je vais m'enquérir de la cause du bruit. »
Le loup part et bientôt arrive dans la plaine,
Et ni, spectacle affreux, des milliers de soldats
Se précipitaient au trépas
En poussant mille cris de haine !
La bombe et la mitraille avec un grand fracas
Bondissaient partout sur la terre,
Le fils tombait mourant loin de sa tendre mère !
Les gazons verdoyants, les blanches fleurs des prés
De sang voyaient empourprés!
« Oh ! oh ! se dit le loup, le roi de la nature,
L'homme, dès qu'il entre en courroux,
Est beaucoup plus cruel que nous ;
Car certainement (je le jure!)
On n'a jamais pu voir les loups
Faire de leurs pareils telle déconfiture ! »
Tout en disant ces mots, il revient vers ses fils
Qu'il trouve, de peur, tout transis,
Et leur dit : « L'homme, enfants, se vante d'être honnête
Et plus doux même qu'un mouton ;
Mais je viens de les voir là-haut sur le gazon,
Qui mutuellement se fracassent la tète
A coups de sabre et de canon !
Ne croyons pas les gens sur leurs simples paroles ;
11 faut les voir agir pour pouvoir les juger.
Voyez donc : les humains se disent bénévoles,
L'un l'autre cependant ils savent s'égorger ! »