Les Loups et les Brebis Charles Beaulieu (19ème)

Certain loup grand penseur,
Surtout grand lecteur de morale,
Pour remettre des siens le crédit en honneur,
La prêchait avec une ardeur
Sans égale.
Un tel loup dira-t-on ? Les loups sont trop pervers,
Il leur siérait vraiment de parler des travers,
Des mœurs ! Eh ! pourquoi pas? les plus belles maximes
Ont souvent pour organe un cœur souillé de crimes.
La chose qui le plus à ce loup répugnait,
Et l'indignait,
C'était de voir les loups vivre en l'état sauvage,
Tout comme leurs aïeux faisaient au premier âge.
Pour adoucir leurs mœurs, pour les civiliser,
Il ne vit rien de mieux que de leur proposer
De faire alliance sincère,
Avec la gent brebis, gent à vie exemplaire ;
Il fait tant, et si bien, qu'en tout point fort goûté,
Les deux partis acceptent le traité.
Au moment de la signature,
Les brebis, sur cette mesure,
Disent que leur devoir
Est de savoir
L'opinion de leurs maîtres,
Vos maîtres ! dirent les loups,
Nous n'en connaissons point, nous ;
Comme en fait de traité, les plus francs sont des traîtres,
D'aller les consulter ne soyons pas si fous.

De crainte qu'on ne soit à leurs avis contraire,
C'est toujours des méchants le langage ordinaire.

Livre III, fable 13




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