Un renard dit un jour, à Rustaud, chien de ferme,
Qu'il rencontre endormi,
A midi :
Va-t-en dire à ton maître, ami, qu'il mette un terme
A ces vols qu'on lui fait de tous ces raisins mûrs,
Appendus aux treillis, placés contre ces murs
Qui n'empêchent en rien ici de s'introduire ;
Exprès, vers toi j'accours pour t'en instruire :
C'est à l'empressement qu'on connaît les amis.
Et, si j'agis ainsi, c'est que ma conscience
Craint que l'on ne s'en prenne à ton insouciance.
- Merci ; de ton bon cœur connaissant tout le prix,
De ce soin obligeant je ne suis point surpris ;
Mais, tranquillise-toi ; borne là ton enquête :
Les raisins, dont l'absence à ce point t'inquiète,
Depuis hier, sont mis par les soins du fermier,
En un lieu sûr. - Où donc ? - Là bas dans ce fruitier,
Dont tu vois la fenêtre ouverte,
Et, qu'au besoin en cas d'alerte,
D'ici je saurais surveiller.
Mais tranquille à présent, je songe à sommeiller ;
J'en ai besoin toujours en surveillance,
C'est fatigant ; permets... - Bien volontiers, mon cher,
Toujours veiller c'est un métier d'enfer ;
Adieu, bon somme, et moi, bonne espérance.
Quant aux raisins, plus tôt n'ayant pu les avoir,
Voilà ce que le drôle ici venait savoir.
Il accourt au fruitier ; mesure la croisée,
Puis d'un bon vigoureux, chose la plus aisée
Pour lui jeune, adroit, vif, il arrive à ses fins,
C'est-à- dire aux raisins.
On devine le reste... Ainsi pour les atteindre,
Ne fit-il pas bien de se plaindre.