UN Singe plein d'ambition,
Plein aussi de présomption,
Avait appris maint tour de passe-passe :
Il escamotait avec grâce,
Et même, sans trop de grimace,
Il savait rire et pleurer tour-à-tour :
De lui Comus eût appris plus d'un tour.
Las de briller dans la Province,
Il veut se produire à la cour,
Espérant obtenir quelque faveur du prince.
A peine il débarquait dans ce brillant séjour,
Qu'il vaque un emploi d'importance :
Il était à sa convenance ;
Mais, par malheur, certain Renard,
Fin matois, rusé papelard,
Y vise aussi : là, comme ailleurs, je pense,
Place vacante a beaucoup de chalands.
Pour l'obtenir, le Singe étale ses talents :
Au lever, au coucher, au passage du prince,
On le voit en tous lieux,
Pour plaire au roi s'escrimer de son mieux
On rit enfin : le succès n'est pas mince,
Car dissicilement riait sire lion.
Vite il saisit l'occasion
De lâcher sa pétition :
Le voilà sûr de son affaire :
Le moyen d'en douter ! au prince il a su plaire,
Et même en souriant on a lu son placet.
De son côté, le Renard agissait :
Il a vu que le prince avait une maîtresse,
Objet de toute sa tendresse ;
Qu'il était né de cet amour
Un fils dont elle était si folle,
Qu'il était son idole,
Et qu'enfin le marmot raffollait à son tour
D'une jeune souris qui, par sa gentillesse,
Par sa grâce, par son adresse,
Sur notre jeune prince avait un plein pouvair.
A plaire à la souris il met tout son savoir :
S'en approchant avec souplesse,
Il vante ses appas, ses attraits ingénus,
Et la trouve cent fois plus belle que Vénus ;
Aces aimables flatteries
Il joint gâteaux, bonbons et maintes sucreries
Dont la souris se régale amplement ;
Il fait si bien qu'on le trouve charmant.
Le matois saisit le moment :
Ala souris il offre sa demande ;
La souris au marmot la présente à l'instant ;
A sa mère aussitôt l'enfant la recommande :
Celle-ci vivement la recommande au roi.
Bref, le Renard obtient l'emploi :
Le Singe en mourut de colère.
Moins vaut savoir que savoir faire.